C'était le milieu de la matinée quand un carrosse aux armes d'Avize et de Beaurepaire, la Salamandre de gueules tranchant sur l'azur et l'or, entra dans la basse cour du castel de Meaux. Les chevaux, harassés par la course faite, s'arrêtèrent en piaffant devant l'entrée, tandis que d'un pas leste le voiturier descendait de sa place. Il se frotta les mains pour se les réchauffer, et héla un garde.
Hôlà, va faire prévenir le Maitre des Lieux que la Vicomtesse d'Avize vient d'arriver, souhaitant avoir un entretien avec lui.
Une fois ceci fait, il s'approcha de la porte du carrosse qu'il ouvrit, et tendit son bras pour permettre à sa passagère de descendre.
C'était un blanc immaculé que la vicomtesse avait revêtu, jusqu'au bout de ses doigts. La robe chaude virginale, surmontée d'un mantel bordé d'hermine argentée habillait la noble champenoise. Les traits étaient tirés et la peau pâle, même si en cette froide saison ses joues se teignirent un instant d'un soupçon d'incarnat. La chevelure ébène et coiffée en un chignon des plus sages, à peine une mèche égarée qui voilait de temps à autre son front et ses yeux, tranchait sur l'allure opaline de la vicomtesse, incarnation sublime du deuil qui était le sien. Elle portait contre elle un paquet imposant, semblant en prendre grand soin. Son souffle se mua en brume légère et évanescente au contact de l'air de novembre, s'envolant dans le bleu pâle du ciel.
Elle savait qu'elle venait à l'improviste, mais l'envie de quitter Reims quelques moments s'était faite pressante, et elle avait décidé de passer outre aux convenances pour une fois. Après tout, ce qu'elle avait à annoncer au Vicomte était important...